"Quand la crise s’installe, la pauvreté s’aggrave" : table ronde [es]
La table ronde intitulée : « Quand la crise s’installe, la pauvreté s’aggrave » organisée par l’Ambassade de France en Espagne a eu lieu le mercredi 13 juin de 19h00 à 21h00 au théâtre de l’Institut français de Madrid.
Animée par Cécile Thibaud, journaliste correspondante de l’Express en Espagne, la table ronde a été l’occasion de présenter les effets de la crise sur les populations vulnérables, les enjeux de la lutte contre l’exclusion et la pauvreté grâce au regard croisé de deux grands acteurs et experts de ce combat : Fransisco Lorenzo, Coordinateur des Etudes Cáritas Española et François Soulage, Président national du Secours Catholique.
En présence du Président de Cáritas Española, d’Ambassadeurs, Députés, personnalités de la communauté française comme madrilène, des thèmes tels que l’accès à la santé, la solidarité familiale, la condition des étrangers... ont pu être abordés et ont fait l’objet d’échange avec un public très attentif.
François Soulage et Fransisco Lorenzo se sont accordés pour dire que la pauvreté qui touche la France comme l’Espagne s’accroît de jour en jour. L’Espagne compte plus de 11,5 millions de personnes en risque de pauvreté ou d’exclusion sociale et la France en compte 8 millions sous le seuil de pauvreté.
François Soulage a souligné que la France est particulièrement touchée par la problématique d’accès aux soins, le service public souffrant de plus en plus des logiques de concurrence et de privatisation.
- François Soulage
Economiste français, il préside le Secours Catholique depuis 2008. Il est l’un des fondateurs de « l’économie sociale » en France et a créé en 1983, l’Institut de Développement de l’Economie Sociale qu’il présida. De 1997 à 2008, il a présidé le Comité Chrétien de Solidarité avec les Chômeurs et Précaires.
- Francisco Lorenzo
Sociologue espagnol, il est l’actuel coordinateur de l’Equipe d’Etudes de Cáritas Española et de la fondation FOESSA. Il était coordinateur des programmes de Formation, d’Emploi et du Volontariat de la fondation RAIS et il a participé au projet de réinsertion de l’association AMEJHOR.
Lors d’une interview croisée de Fransisco Lorenzo et François Soulage avec l’agence de presse espagnole EFE, tous deux ont souligné le fait que "la crise est une opportunité pour revenir à ce qu’il y a de vrai et de ne pas oublier les personnes en tant que telles".
Selon Fransisco Lorenzo, pour sortir de la situation actuelle dans de meilleures conditions, il faut prendre en compte le fait "qu’aucune mesure, aucune décision technique ne se justifie si elle touche aux fondements éthiques de la société ; nous ne pouvons, sous aucun prétexte, prendre certaines mesures d’économie qui laissent pour exclus ceux qui souffrent le plus."
Une crise aux dimensions inédites
La pauvreté croissante en France et en Espagne constitue selon Fransisco Lorenzo et François Soulage une « plaie sociale non pas créée mais accentuée par la crise actuelle » qui présente des caractéristiques nouvelles :
le chômage touche désormais les sources de revenus principales d’un foyer (salaires des parents) et les diplômés
les associations subissent des mesures d’austérité mises en œuvre face à la crise
la diffusion d’un sentiment de défiance face au pouvoir public en mal de trouver et mettre en œuvre des solutions pérennes à la crise.
Quelles sorties de crise envisager ?
Le maintien des mécanismes de solidarité
Fransisco Lorenzo comme François Soulage se sont accordés pour affirmer la nécessité du maintien des mécanismes et réseaux de solidarité, particulièrement nécessaires en ces temps de crise.
En Espagne, la famille constitue un « filet de sécurité », offrant une protection à la jeune génération, première touchée par le chômage. Les études menées par Cáritas, comme le souligna Fransisco Lorenzo, ont ainsi démontré que la solidarité familiale demeure la première source d’aides en Espagne.
En France, systèmes d’indemnisations et structures du service public composent un « socle social » assurant une réponse aux besoins essentiels de la population. Néanmoins, la crise a largement fragilisé ces mécanismes de solidarité. François Soulage a alerté l’assistance sur l’introduction croissante de la concurrence au sein du service public, fondée sur une interprétation erronée, selon lui, du Traité de Lisbonne par les gouvernements.
La refondation d’un modèle centré sur l’humain
Interrogés sur les pistes de sortie de crise, MM. Lorenzo et Soulage ont énoncé des principes pour la plupart « hérités de l’enseignement social de l’Église », qui doivent régir d’après eux les réformes concrètes à mettre en œuvre :
respect de l’homme et de sa dignité
solidarité
meilleure répartition des richesses
conversion d’un système basé sur la « recherche effrénée du profit » à un modèle fondé sur les capacités productives de chacun « assurant le développement commun »
restauration de la confiance des individus comme des acteurs économiques.
La crise a été présentée par les deux intervenants comme l’occasion de refonder un modèle socio-économique centré sur l’humain et où l’éthique occupe une place primordiale.
Un rôle décisif des acteurs de la société civile et de l’Europe
Bien que leur rôle ne soit pas de se substituer à l’Etat, selon François Soulage, les associations, par leurs actions de terrain et leur expertise de l’exclusion et de la pauvreté, constituent des investigateurs privilégiés du changement.
Le Président du Secours Catholique a finalement insisté sur la nécessité d’une action concertée au niveau européen : une transformation en profondeur du système ne pourra avoir lieu qu’en dépassant « les logiques nationales et les tentations autarciques ».
La visite de François Soulage à Madrid a également permis la rencontre des Présidents et Directeurs de grandes associations espagnoles : Cáritas, Médecins du Monde, Banque Alimentaire, Réseau EAPN, Mouvement pour la Paix.
Pour en savoir plus sur la situation de la pauvreté en France et en Espagne :
Pour en savoir plus sur :
La table ronde
Le Secours Catholique
Cáritas
La fondation Foessa